Vrai ? Faux ? Paranoïa ou méfiance naturelle face à des faits dont la véracité peut sembler sujette à caution ? L’affaire DSK a-t-elle de nouveau réactivé la théorie du complot ? Réponse de Pierre-André Taguieff, auteur de L’imaginaire du complot mondial (Mille et une nuits, 2006).
Le Point.fr : 57 % des Français qui pensent que DSK est victime d’un complot, dont 70 % des sympathisants socialistes : la théorie du complot se porte bien… Comment expliquer cette réaction?
Pierre-André Taguieff : Dénoncer un complot est un mécanisme de défense facile : on simplifie le problème en lui donnant une forme claire et acceptable, on s’offre ainsi une bouée de sauvetage dans un contexte d’incertitude et de désarroi. Le sondage montre surtout qu’un grand nombre de Français semblent ne pouvoir accepter la chute brutale de Dominique Strauss-Kahn, qui aurait pu être le futur président de la République. Quelques personnages publics ont affirmé ou suggéré qu’il est la victime d’un complot : une élue socialiste a même parlé d’un “complot international”. Mais pour qu’il y ait complot, il faut un groupe organisateur agissant dans le secret, un objectif, un plan d’action et un bénéficiaire. Rien de tel n’est ici formulé. Il est donc abusif de parler de “théorie du complot” : le complot n’est nullement théorisé, c’est l’innocence de DSK qui est affirmée, par des gens qui expriment ainsi leur malaise ou leur angoisse. Les dénonciateurs du complot ou de la machination ne peuvent clairement répondre à la question “À qui profite le crime ?”. Le seul bénéficiaire de l’hypothèse complotiste est DSK lui-même, puisqu’il apparaît comme une victime innocente.