Relativité de la traduction et relativisme

1. Je partirai de mon cœur de métier : une phrase grecque, de celui que Platon appelle le « père Parménide », si importante qu’elle peut faire exemplum. Je voudrais montrer comment cette phrase est le produit d’une série d’opérations d’interprétation dont la traduction est – et n’est que – la pointe ultime. Le nom le plus adéquat pour cette série d’opérations est fixion, avec le x lacanien, pour souligner que le fait est une fabrication, le factum un fictum que l’on décide de fixer. Je montrerai alors comment la traduction, en l’occurrence celle de cette phrase de Parménide, viole régulièrement (c’est de règle, et c’est chaque fois) le principe de non-contradiction, dans la mesure où il lui faut rendre compte des équivoques et des homonymies. Je montrerai, enfin, comment cette violation revient, d’après Aristote lui-même lorsqu’il énonce le principe au livre Gamma de sa Métaphysique, à la position de Protagoras, c’est-à-dire à ce que l’on appelle « relativisme ». Je conclurai en explorant cette position relativiste à partir de son texte fondateur : je propose de la décrire comme un « comparatif dédié ». Ce sera ma manière de poser la question du rapport très complexe entre pluralité interprétative et vérité.

Barbara Cassin

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