La bataille de l’amazigh n’est pas terminée

La loi organique réveillera les antagonismes

Impossible consensus sur le tifinagh

Pas de préférence pour un parti politique

La bataille de l’amazigh n’est pas terminée 

Aujourd’hui, le grand défi réside dans l’enseignement de l’amazigh. Pour de nombreux experts, la politique et l’idéologie doivent céder la place aux linguistes (Ph. Archives)

LA constitutionnalisation de l’amazigh comme langue officielle n’a pas fini de faire des vagues. La question a été posée lors d’une table ronde organisée au bureau de L’Economiste-Assabah de Rabat mardi dernier. En tout cas, une chose est sûre: dans tous les partis politiques, l’amazigh a ses partisans et ses adversaires comme au PJD ou à l’Istiqlal. Adil Benhamza, membre du bureau exécutif de l’Istiqlal et conseiller à la Primature, se veut rassurant. Pour lui, les partis politiques ont connu une évolution au point que personne ne peut affirmer que tel parti est contre ou pour la constitutionnalisation de l’amazigh. Reste que la véritable bataille réside dans l’enseignement de cette langue. Il conseille de mettre de côté la politique et l’idéologie pour céder la place aux chercheurs et aux linguistes. «Le choix du tifinagh a été une décision précipitée. L’élève doit apprendre 270 lettres entre l’arabe, le tifinagh, le français et l’anglais», dit-il tout en précisant qu’il est Amazigh et parle cette langue dans son environnement familial. Cependant, il rappelle que le choix du tifinagh n’est pas venu à la suite d’un débat national. D’autant que la création de l’Ircam et le discours royal d’Ajdir n’ont pas réglé définitivement le problème. Même si cet institut a déployé un effort considérable pour promouvoir cette langue, il reste miné par des résistances idéologiques. D’ailleurs, l’Ircam, contrairement à d’autres institutions, n’a pas été constitutionnalisé.
Benhamza enfonce le clou en affirmant que le tifinagh n’était pas un tabou. Il est visiblement favorable au retour de l’arabe comme véhicule de l’amazigh.
Sur ce choix, les avis sont partagés. Lahcen Haddad, membre du bureau politique du MP, reconnaît que le choix de cet alphabet n’a pas facilité le développement attendu de l’amazigh. Cependant, «il est trop tard pour revenir en arrière, après avoir passé une dizaine d’années à créer des modules de livres. Il faut continuer dans cette voie», indique-t-il.
Ahmed Assid, de l’Observatoire amazigh pour les droits et libertés, n’est pas favorable au changement du tifinagh qui «s’apprend vite, à peine trois séances pour les enfants». Cette question a été tranchée, il n’est pas question de renoncer aux acquis de 10 ans de travail pour revenir à l’arabe, langue difficile ou au caractère latin, dit-il en substance.
Benhamza ne cache pas ses craintes de voir cette constitutionnalisation sapée. C’est pour cela qu’il conseille d’être pragmatique et de mener un travail de vulgarisation au sein des partis politiques, avec comme objectif la coordination des actions pour une meilleure mise en œuvre de cette disposition de la Constitution.
Sur la relation de l’Amazigh avec la politique, Ahmed Assid est catégorique. Il ne s’agit pas de créer un parti politique. Les 640 associations qui opèrent dans le secteur travaillent avec les partis, sans distinction. «Nous ne voulons pas choisir un parti», rappelle l’ardent défenseur de l’amazigh. D’ailleurs, la coopération avec le MP et le PPS ne date pas d’aujourd’hui.
En attendant, c’est la loi organique pour la mise en œuvre de l’amazigh qui suscite les questions. Comment l’opérationnaliser et dans quels délais? Pour Lahcen Haddad, «il faudra commencer par le champ visuel, les médias, l’école avant un élargissement progressif». Et cela sans oublier d’arrêter «les priorités tout en trouvant des solutions à des personnes qui ne parlent que l’amazigh dans le monde de la justice, la santé et le statut personnel». Tout cela doit se décliner en une stratégie nationale au niveau de l’éducation. Pour ce membre du bureau politique du MP, il est important de créer au sein du ministère de l’Education nationale une entité qui sera chargée de la promotion de l’amazigh dans les écoles. De même, la fixation d’un calendrier pour sa généralisation. Lahcen Haddad propose même d’inclure l’amazigh dans les programmes d’alphabétisation au lieu de se limiter uniquement à l’arabe.
Comme autre action prioritaire, il suggère la suppression du ministère de la Culture pour le remplacer par celui des cultures et de la gestion linguistique. Un appareil étatique, doté de la responsabilité de la mise en œuvre de la constitutionnalisation de la langue et la sauvegarde du patrimoine, dit-il. Dans cette étape, le Conseil national des langues, prévu par la Constitution, permettra d’aller vite.
N’empêche, pour Lahcen Haddad, la constitutionnalisation de l’amazigh est une victoire qui couronne une bataille menée depuis plus d’un demi-siècle. En effet, depuis sa création, le MP de Mahjoubi Aherdane a milité pour rétablir le pluralisme et le multilinguisme.
Mohamed CHAOUI

Source: http://www.leconomiste.com/article/884600-la-bataille-de-l-amazigh-n-est-pas-terminee

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