« Le corps et l’argent »

Le philosophe Ruwen Ogien est connu pour ses nombreux travaux sur la morale et sur l’éthique. Dans « Le corps et l’argent », son nouveau livre paru dans l’excellente collection « L’attrape corps » des éditions La Musardine, il malmène la notion de « marchandisation du corps humain » qui oriente inévitablement tout débat sur la prostitution en prônant la liberté de « mettre son corps à disposition de l’autre » et d’en tirer des bénéfices sans que cela ne soit moralement répréhensible… Dans quel but? On lui a posé la question.

Dans « Le corps et l’argent », vous établissez une nuance entre « mettre son corps à la disposition d’autrui » et « travailler » pour désigner un service sexuel. Pouvez-nous expliquer cette nuance en quelques mots ?

On « met son corps à la disposition d’autrui » quand on est une mère porteuse, quand on accepte de se faire prélever des tissus, un organe, de se faire tatouer une pub sur une partie visible du corps. Peut-on parler de « travail », de « service », dans tous ces cas? Ce n’est pas évident. C’est pourquoi, j’ai préféré distinguer ces notions. Est-ce que cela doit nous interdire d’envisager qu’une rémunération soit légitime en cas de simple mise à la disposition d’autrui de son corps? Non, à mon avis. Ce qui est important au fond, c’est qu’il s’agisse d’un échange entre personnes consentantes qui ne cause pas de torts directs à des tiers. C’est à ces personnes de décider si l’échange doit être gratuit ou pas.

Le fait de remettre ainsi en question la notion de « travail sexuel » ne fait-il pas de vous un partisan des « abolitionnistes », qui réclament l’éradication pure et simple de la prostitution ?

Je ne remets pas du tout en cause la notion de travail sexuel. Ce que j’essaie de montrer d’abord, c’est que c’est aux principaux concernés de définir la nature de leur activité.

Interview de Ruwen Ogien

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