Ne touchez pas à la dette grecque!

Un argumentaire bien rôdé tourne à la Banque de France pour expliquer pourquoi la dette grecque ne doit pas être restructurée.

Puisque les marchés financiers ont prêté sans prudence à la Grèce, ne serait-il pas logique et juste que le pays ne rembourse pas la totalité de ses obligations, ou, à tout le moins, qu’elle étale ses remboursements dans le temps ? Un peu comme un ménage surendetté. La question est posée avec de plus en pus d’insistance. A la Banque de France, pourtant, on ne manque pas d’arguments pour dénoncer cette fausse bonne idée.

Ne serait-ce qu’en faisant la liste des gagnants et perdants. Tout le raisonnement s’articule autour d’une question : qui détient la dette grecque, ces emprunts d’Etat émis par Athènes ? Ceux-là seraient les grands perdants, au moins à court terme.

Les perdants.

1 – En première ligne, il y a les banques grecques, qui possèdent un quart de cette dette. Si on ampute les obligations grecques de 20% de leur valeur, ces banques iront au tapis, préviennent les experts de la rue de la Vrillière. Il faudra les recapitaliser, c’est-à-dire leur apporter de l’argent frais, des fonds propres. Qui s’en chargera ? L’Etat grec ! Toute la marge de manœuvre qu’il aura gagné sur sa dette, il la dépensera dans le capital de ses banques.

2 – En deuxième ligne, on trouve les épargnants grecs. Dans leurs contrats d’assurance-vie, leurs produits de retraite ou d’épargne tout court, ce sont les deuxièmes détenteurs de dette publique. Les consommateurs grecs verront donc leur bas de laine fondre autant ou presque que la dette, ce qui ne manquera pas d’affecter leurs dépenses, prévient la Banque de France, et donc la reprise économique. Cela pèserait sur la capacité de rebond du pays.

3 – Le contribuable européen vient en troisième ligne. Les banques centrales de la zone euro, via l’Eurosystème, ont acheté de la dette de l’Etat grec. Si sa valeur est écrêtée, elles feront donc des pertes. En France, cela réduira d’autant le dividende que la Banque de France, indépendante, peut verser à l’Etat.

4 – Le reste de la dette est logée dans les comptes des banques, des compagnies d’assurance, des fonds de pension. Cette fraction peut être estimée à 20% environ.

Grands gagnants : les fonds spéculatifs

Une seule chose est sûre, précise la Banque de France, il n’y a plus de dette grecque dans les fonds spéculatifs, les fameux hedge funds. Au contraire. En compagnie de quelques banques d’affaires, ils sont les plus insistants sur la restructuration des emprunts grecs. Ce n’est un hasard, estiment certains. Ils ont pris des positions spéculatives. Ce serait donc les seuls à sortir gagnants d’une telle opération. Un argument qui, du point de vue du banquier central, pousse clairement à attendre.

Sophie Fay

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