La mainmise généralisée de Berlusconi sur les médias est régulièrement pointée du doigt comme le signe de l’affaissement démocratique de l’Italie. Mais ce n’est sans doute pas là le pire. L’embrouille est devenue un mode de gouvernement, une stratégie d’action qui lui permet — tout comme à Umberto Bossi, le leader la Ligue du Nord — d’entretenir l’illusion du débat et de recouvrir les enjeux et les faits réels qui font la politique. La culture de la fourberie et le cynisme institué viennent ainsi révéler la tragique dégradation du lien social.
Les concepts de l’anthropologie classique sont pertinents pour comprendre des phénomènes aussi contemporains que le populisme médiatique. L’analyse des représentations collectives nous aide à comprendre la manière dont l’action des leaders populistes est effectivement perçue par l’électorat. Étudier sous l’angle de leur perception les pratiques introduisant le désordre dans l’espace public démocratique permet d’appréhender les nouvelles formes de la conflictualité politique depuis l’effondrement des idéologies et la personnalisation du pouvoir sous l’effet de la médiatisation télévisuelle. L’imbroglio, envisagé à partir du terrain italien, recouvre aussi bien l’opacité induite par la médiatisation que les techniques de brouillage et les coups médiatiques ; c’est un système de pratiques dramatisées qui met en scène la conflictualité autant qu’il dissimule les vrais enjeux.
En italien, l’imbroglio désigne aussi bien une situation rendue confuse qu’une escroquerie. La définition étymologique fait la part belle à une certaine forme de cynisme. L’imbroglione italien est un escroc qui prend son interlocuteur dans la toile de ses discours contradictoires pour mieux paralyser ses capacités d’analyse et mettre en échec ses tentatives de riposte.