1. (Jeudi 8 janvier 2009)
2. Aujourd’hui, certains experts soutiennent que l’aide au développement peut faire disparaître la pauvreté, tandis que d’autres, plus sceptiques, répondent que l’aide apportée de l’extérieur par les pays occidentaux est vaine, car seule l’économie de marché peut éliminer la pauvreté. Des positions antagonistes aussi marquées font surtout ressentir le besoin d’un discours scientifique, qui propose des solutions fortes s’appuyant sur des évaluations rigoureuses.
3. Il est intéressant de noter que l’optimisme des uns comme le scepticisme des autres sont basés sur des conclusions tirées d’une même méthode : la comparaison de trajectoires de différents pays. Cette méthode est séduisante, car elle utilise le plus souvent des données déjà existantes. Toutefois elle rend très difficile la mise en évidence de rapports causaux : quel rapport de cause à effet se cache par exemple derrière la corrélation entre paludisme et pauvreté ? Le paludisme est peut-être l’une des causes principales de la pauvreté. Mais il est également possible que paludisme et pauvreté soient tous deux la conséquence d’institutions déficientes.
4. Les sciences sociales doivent-elles alors renoncer à jouer un rôle dans la lutte contre la pauvreté ? Non, il faut simplement leur fixer des objectifs plus modestes : plutôt que de se focaliser sur les recettes de la croissance, elles peuvent guider l’expérimentation dans des domaines tels que la santé ou l’éducation, terrains privilégiés de la lutte contre la pauvreté, en participant à l’élaboration de nouvelles solutions, et en les évaluant scientifiquement.
5. Cette conception des sciences sociales, et plus particulièrement de l’économie, n’est pas partagée par tous. Une tradition purement positiviste, portée notamment par l’école de Chicago, voit les agents économiques comme des joueurs de billard et l’économiste comme un physicien, qui doit avoir pour seul but de comprendre les lois physiques de ce jeu, en regardant les billes, et sans interférer dans le déroulement du jeu. Cette vision, défendue en économie du développement par Theodore Schultz, postule que les agents économiques agissent naturellement de façon optimale.