A Boston, très loin du Caire et de la place Tahrir, un vieil intellectuel américain arpente son modeste pavillon en briques. Il s’appelle Gene Sharp. Il a 83 ans, cultive des orchidées, ne sait pas se servir d’Internet et n’a pas l’air franchement dangereux. Pourtant, ses idées peuvent s’avérer fatales pour les despotes de la planète.
Depuis des décennies, en effet, ses écrits sur la révolution non-violente – notamment From Dictatorship to Democracy (De la dictature à la démocratie), un livre de 93 pages, téléchargeable en 24 langues sur Internet – sont une source d’inspiration pour les opposants du monde entier.
Cherchant à se remettre de l’échec des mobilisations de 2005, le collectif de jeunes Egyptiens baptisé Mouvement du 6 avril agitait toutes sortes d’“idées folles” pour faire tomber le gouvernement, raconte Ahmed Maher, l’un des cerveaux du mouvement. Ils tombèrent sur Sharp en étudiant le mouvement serbe Otpor [l’un des principaux acteurs de la chute de Slobodan Milosevic en octobre 2000], dont il a été l’un des inspirateurs.