Méditerranée / Hommage à une grande dame du livre

Kenza Sefrioui 

 

 

Marie-Louise Belarbi.( Photo Kenza Sefrioui)

 

Elle a vu défiler dans sa librairie, le célèbre Carrefour des Livres à Casablanca, des générations d’écrivains. Editrice, elle en a découvert autant, de Françoise Sagan, quand elle travaillait chez Julliard, à Aziz Mouride, sans oublier Ahmed Marzouki, Abdellah Taïa… Pendant plus de soixante ans, elle s’est effacée pour les mettre en avant, les publier, les accueillir pour des signatures. A 80 ans, Marie-Louise Belarbi a accepté de se départir un peu de sa discrétion pour parler d’elle. Et elle vient de signer un ouvrage collectif que ses amis lui ont consacré.

Soixante ans de passion pour le livre, c’est le titre choisi par Abdou Berrada, qui a coordonné l’ouvrage. Un titre qu’on aurait aimé plus recherché, mais qui veut bien dire ce qu’il veut dire. Marie-Louise Belarbi a accordé un long entretien à Abdou Berrada, dans lequel elle se raconte. Depuis son enfance à Montpellier, dans une famille où le père était catholique et la mère protestante. Education spartiate, sportive et férue de littérature. Puis son passage chez Julliard, et le choc qu’a été pour elle la découverte de Bonjour tristesse, à l’état de manuscrit. Elle raconte son arrivée au Maroc, avec son mari, qui estimait que seul l’enseignement « était acceptable pour l’épouse d’un haut fonctionnaire ». D’où la séparation. Puis c’est l’aventure dans la librairie, dès 1984, et le succès du Carrefour des Livres. En préface, Me Abderrahim Berrada, qui salue son humilité, lui rend cet hommage: «Marie-Louise n’a jamais eu le mot censure dans son dictionnaire… C’est dire que le Carrefour n’était pas une simple librairie, mais un vrai forum intellectuel et souvent subversif ». Devant son interlocuteur, Marie-Louise Belarbi feuillette les nombreux tomes du livre d’or : Driss Chraïbi, Rachid Mimouni, Abraham Serfaty, Abdelhak Serhane, Yasmina Khadra, Frédéric Beigbeder, Plantu, Guy Bedos… Une vraie vie intellectuelle, malgré le contexte politique. Elle confie: «Il n’y a jamais eu de portrait du roi à la librairie. Mais je n’ai jamais voulu donner mon avis sur la politique marocaine. Ce n’était pas mon rôle».
Marie-Louise Belarbi a également accepté d’ouvrir ses albums photo. Sont reproduites dans l’ouvrage, et commentées par elle, des photos de famille, de son passage à la radio quand elle animait Plaisir de lire à la RTM (de 1984 à 1990), des moments de signature…
En deuxième partie, ce sont les hommages. Des textes courts signés par les amis et admirateurs de Marie-Louise Belarbi. Parmi eux, le peintre et écrivain Mahi Binebine, Didier Folléas, professeur d’histoire, le journaliste et libraire Abdeslam Kadiri, le journaliste et dramaturge Driss Ksikes, qui écrit sobrement : «ton authenticité est belle et rare». Des souvenirs, des mots d’affection, de reconnaissance, des souhaits de longue vie. L’écrivaine Nicole de Pontcharra s’essaie au jeu du portrait chinois, et compare Marie-Louise Belarbi au renard, «aussi élégant et discret que le tussor peut l’être dans la catégorie des matières». Le libraire Franck Perrussel, lui, veut lui décerner le titre de « Trésor universel vivant».
En prime, encarté dans la couverture, un DVD reproduit l’émission qu’Al Jazeera a consacrée à Marie-Louise Belarbi, Les Amis des Arabes, diffusé le 24 juin 2005.
Un livre sans aucune prétention littéraire, mais plein d’affection, et qui ne manquera pas de toucher les amoureux du livre qui, au Maroc, sont nombreux à devoir leur passion à cette grande dame.


Kenza Sefrioui
(27/07/2011)
Soixante ans de passion pour le livre,

ss. dir. Abdou Berrada
Ed. Kalimate, 94 p. et DVD, 10 €

 

 

 

 

 

http://www.babelmed.net/Pais/Méditerranée/hommage_?.php?c=6827&m=34&l=fr

 

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