Outre son rôle domestique et dans l’éducation des enfants, la femme amazighe a toujours eu un rôle important dans le domaine de la poésie, du chant et du conte. Beaucoup d’enfants amazighs, grandis dans les cités, gardent des souvenirs merveilleux de ces mères qui, débarquées de la région de Souss dans les villes du nord du Maroc, apportaient avec elles des valises pleines de disques de chanteurs du « pays », comme l’Haj Bleid, Omar Ouahrouch, Boubakr Anchad. Ces mères souvent poétesses, rendaient les soirées agréables et inoubliables. C’est à travers le chant, les récits, les poèmes qu’elles ont maintenu vivant l’usage et la pratique de la langue amazighe.
Avant l’arrivée de leurs femmes, les conditions de vie des maris étaient très dures dans les épiceries, cette activité qui faisait vivre la plupart des émigrés du Sous. Les femmes ont redonné aux émigrés la joie de vivre que l’on avait connu dans les villages. L’apport de leur richesse culturelle a, sans nul doute fait mieux supporter la dureté de l’épicerie.
C’était dur, c’est vrai, mais on ne peut oublier que l’épicerie a représenté pour beaucoup d’entre nous la première école de rigueur morale et éthique, qu’elle nous a donné les premières leçons de l’altérité et de l’Autre. Les mères y ont rajouté les sons et les saveurs du village, réussissant le tour de force de rattacher les apports du monde moderne aux héritages de l’identité la plus profonde. Ahmed Habouss