À quoi servent les études littéraires ?

Recensé : Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires. Pourquoi et comment étudier la littérature ?, Thierry Marchaisse éditeur, 2011, 130 p., 15€

 

Jean-Marie Schaeffer, philosophe, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales est bien connu pour ses travaux en esthétique. Il publie cette fois un court ouvrage de 124 pages, Petite écologie des études littéraires, avec pour sous-titre Pourquoi et comment étudier la littérature ? Il faut savoir gré aux jeunes éditions Thierry Marchaisse d’avoir publié ce livre stimulant qui participe d’une réflexion de fond qui s’est engagée depuis plusieurs années sur les conditions et les finalités de l’étude et de l’enseignement de la littérature, et plus largement des « humanités ».

Si ce type de débat est particulièrement prospère en France, c’est que la littérature y a longtemps joué un rôle culturel essentiel. À ce propos on peut citer le livre de T. Todorov La littérature en péril (2007), celui d’A. Compagnon La littérature pour quoi faire ? (2007), celui d’Yves Citton, l’Avenir des Humanités (2010), de William Marx (L’adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation, XVIII-XXe siècle (2005). J’ai moi-même contribué à ce travail de réflexion avec un Contre Saint-Proust. La fin de la Littérature (2008). Je ne cacherai donc pas que le regard que je porte sur le livre de J.-M. Schaeffer peut difficilement être celui d’un observateur qui prétende à la neutralité. Ces divers ouvrages ont des visées assez différentes, mais leur existence est un symptôme particulièrement visible d’une crise qui affecte non seulement l’étude de la littérature, du lycée à l’université, mais encore sa production et sa consommation. Il faut remonter aux années 1960 pour voir la littérature s’inviter avec autant de force dans le débat public. Mais le contraste entre les deux moments est saisissant : dans les années 1960, les questions posées portaient, suivant la logique de l’avant-garde, sur la légitimité de telles ou telles techniques littéraires (ce dont témoignaient les débats sur le « Nouveau roman ») ou de telles ou telles approches critiques (ce dont témoignaient les débats autour de la « Nouvelle critique »). Aujourd’hui la question porte non sur le comment de la production littéraire et de son étude, mais sur l’existence même de la littérature et l’intérêt de son étude. Au-delà, ce qui est sous-jacent, c’est une crise de civilisation qui embrasse à la fois les nouvelles technologies de la communication et l’identité européenne.

Dominique Maingueneau [14-07-2011]

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