1. Comme le dit le titre, ce travail collectif examine de divers points de vue des nœuds importants de la méthode historique, tels le rapport entre histoire et mémoire, entre oralité et écriture, ou encore l’importance de la catégorie du genre pour l’histoire, celle en particulier qui se prévaut des sources orales. Les contributions, présentées lors d’un colloque récent à l’Université d’Avignon, proviennent de divers pays et attestent la vivacité d’un débat qui se poursuit au niveau international. C’est ainsi que l’introduction de Françoise Thébaud et Geneviève Dermenjian ou les textes de Roberta Fossati et de Joanna Bornat et Hanna Diamond proposent d’intéressantes confrontations entre les usages des sources orales dans l’histoire des femmes en France, Italie et Grande Bretagne. La dernière de ces contributions est d’une importance particulière pour une approche historique de l’histoire orale dans la mesure où les convergences entre histoire orale et histoire des femmes y sont analysées dans un contexte non seulement national, mais international, États-Unis compris ; il en résulte une réflexion fort utile à la compréhension globale ce qui a été défini comme un mouvement culturel visant, dans et hors les universités des dernières décennies du siècle passé, à revaloriser les témoignages oraux.
2. La dimension internationale est donc très présente dans ce recueil, dont Mercedes Vilanova, dans les considérations conclusives, souligne le caractère multinational et comparatif. L’essai d’Anne Hugon sur les souvenirs des sages-femmes ghanéennes de l’époque coloniale est fort intéressant. A. Hugon a mené vingt-cinq entretiens avec des Africaines qui avaient travaillé dans cette région d’Afrique ; ces femmes avaient entre 70 et 91 ans et appartenaient à des milieux sociaux différents, mais l’éducation reçue dans une religion chrétienne (en majorité protestante) en était le trait commun. L’importance de leurs témoignages réside non seulement dans les informations qu’elles apportent sur le métier qu’elles ont pratiqué, mais sur sa place dans l’histoire coloniale. Ces témoins, en effet, furent formées par des infirmières blanches, d’origine britannique, dans le contexte d’une œuvre colonisatrice fortement marquée de racisme. À la différence des sources écrites disponibles, les sources orales restituent une image précise de cet aspect des choses, et elles éclairent également la sociabilité des sages-femmes et l’esprit de corps qu’elles partageaient, un élément d’autant plus significatif qu’elles constituaient le seul groupe professionnel exclusivement féminin. Par ailleurs, l’auteure ne manque pas de signaler d’autres aspects que ces témoignages n’éclairent pas, tels que la chronologie ou les questions personnelles, même lorsque la question de la profession et du droit des femmes à l’exercer rendraient pertinentes ces dernières.