Anthropologie de la nature

1. Sous l’intitulé « Ontologie des images », le cours de cette année reprenait le chantier ouvert en 2005-2006 sur la question de la figuration envisagée dans une perspective anthropologique et comparative. Par figuration, on rappelle qu’il faut comprendre cette activité universelle, et spécifiquement humaine, de production, d’aménagement, d’ornementation ou de mise en situation d’un objet, ou d’un ensemble d’objets, inorganique ou vivant, en vue d’en faire une image fonctionnant comme un signe à la fois iconique et indiciel (pour reprendre la terminologie de Peirce). Si la ressemblance est la modalité iconique que l’histoire de l’art européen nous a rendu la plus familière, elle est loin d’être aussi commune ailleurs. Il arrive souvent que l’icone figure un objet que personne n’a jamais vu, le plus souvent une divinité, à qui sont imputées des qualités dont la reconnaissance dans une image est tributaire de l’identification de celle-ci au prototype qu’elle figure. Ces qualités peuvent n’être pas uniquement plastiques ; ainsi en est-il des boli, objets informes en glaise utilisés dans un culte jadis commun dans la vallée du Niger et qui sont la figuration iconique d’une « puissance », non pas en ce que ces images lui ressemblent, puisque cette puissance n’a elle-même pas de forme stable, mais en ce qu’elles rendent précisément tangible la propriété qu’a cette puissance de changer sans cesse de figure (J.-P. Colleyn, « Un élégant quadrupède », 2009) ; le boli « représente » donc, non pas au sens où il dépeint de façon réaliste un prototype irreprésentable, mais au sens où un mandataire est dit représenter un mandant.

Philippe Descola

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