L’ahwach est à la fois le nom générique donné à la musique de village et le nom d’une danse typique du pays chleuh (Haut-Atlas, Anti-Atlas et Souss). Se pratiquant à l’occasion de toutes les célébrations collectives, ce sont des villageois volontaires qui en assurent l’exécution. C’est une danse mixte précédée d’un chant dialogué, une sorte de joute appelé l’msaq.
Pour les gens du pays, c’est ce chant dialogué qui est la partie la plus appréciée et aussi la plus difficile à réussir. C’est également la plus surprenante par son originalité pour les spectateurs non initiés. L’msaq nécessite la participation d’au moins un improvisateur. Mais il est préférable qu’il y en ait deux ou davantage pour qu’il y ait émulation. Il faut également un groupe de tambourinaires et deux choeurs de femmes. Les deux choeurs se tiennent debout en deux rangées se faisant face, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Ces choeurs doivent être denses, afin d’obtenir un effet de masse chorale compacte sans lequel le chant est jugé inesthétique. L’exécution commence avec l’intervention d’un soliste improvisateur. Il chante une suite de vers appelée «tour de rôle» ou «répartie». Le choeur masculin lui répond en premier, puis vient le tour du choeur des femmes. Un autre soliste intervient avec une nouvelle répartie, puis à nouveau les choeurs et ainsi de suite. les phrases, ponctuées aux tambours sur cadre avec une lenteur solennelle, sont très étirées. les tambourinaires frappent du plat de la main, avec un léger décalage, de manière à obtenir un effet de répercussion, «comme celui d’un muret de pierres qui s’écroule», a-t-on l’habitude de dire. Après un certain nombre de réparties, l’msaq entame une lente évolution (sans transition sensible) qui finit en danse : l’ahwach proprement dit.
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Ahwach des hommes, Talsint
Atlas oriental (province de Ksar-es-Souk) |
Les tambourinaires viennent se placer entre les deux rangs de choristes-danseurs, où ils joueront assis. Ils se partagent alors en trois : un tambour principal, un tambour de soutien (tous deux à sonorité aiguë) et un groupe de tambours de base à sonorité sourde, auxquels s’adjoint parfois un ganga, une sorte de grosse caisse. Sur cette assise sonore grave, les deux tambours à sonorité aiguë se détachent et dialoguent. Le jeu du tambour de soutien double partiellement le jeu de base. Son rôle consiste à ménager au tambour principal un espace pour improviser et varier les figures rythmiques de l’ensemble. Le chant ayant alors perdu sa prééminence, les voix alternées des deux choeurs deviennent un simple accompagnement du jeu des tambours. Ajoutons qu’en dépit de l’impression de solennité qui s’en dégage, l’ahwach est une musique profane dont la finalité est le plaisir de réaliser, ensemble, un moment de beauté. Autour de la musique et de la danse, les préoccupations d’élégance entrent pour beaucoup dans l’intérêt de l’événement.
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Femme de l’oasis de Taghjicht
Sud marocain, 1953. |
D’après musiques berbères de l’Atlas : création, tradition de Hassan Jouad, Cité de la musique, 1997 | |
Photos et extraits musicaux tirés du livre de M. Rovsing Olsen, Chants et danses de l’Atlas, éd. Cité de la musique / Actes sud, 1997. | |
Crédits photographiques : Marie-Rose Rabaté, Photothèque du musée de l’Homme ; Jacques Belin, Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris. | |
Enregistrement : Bernard Lortat-Jacob, 1973 ; Miriam Rovsing Olsen, 1977.
Source: http://www.azawan.com/ |