Benghazi (Libye), envoyée spéciale – Avant la révolution du 17 février, le Centre culturel de Benghazi était dirigé par une femme dont la cruauté est légendaire en Libye. Huda Ben Amer, dite “Huda le Bourreau”, s’était fait connaître en 1984 lors de l’exécution publique d’un opposant au régime. Pendant la pendaison du supplicié, elle s’était accrochée à lui pour l’achever, en direct à la télévision.
Mouammar Kadhafi avait jugé cette scène à son goût et couvert d’honneurs la fanatique, nommée deux fois maire de Benghazi. Elle s’est aujourd’hui réfugiée à Tripoli auprès du dictateur, dont elle est très proche.
Sa maison à Benghazi, une imposante bâtisse ocre rouge, a été incendiée. La vengeance est revendiquée à la bombe de peinture, sur la villa calcinée : “De la part de Sadek Hamed Shuwehdy”, du nom de l’ingénieur exécuté voilà plus d’un quart de siècle.
C’est dire si le Centre culturel de Benghazi est lourd de symboles. En deux mois à peine, il a connu une incroyable transformation. Une nouvelle chaîne de télévision s’y prépare et deux journaux y ont vu le jour, avec des rédactions dont la moyenne d’âge ne dépasse pas 25 ans. Certes, il traîne encore quelques bureaucrates qui prétendent maîtriser ce flot d’énergie et de liberté. Il faut faire antichambre, à proportion de leur importance supposée.
On file sans attendre, pour voir l’entraînement des apprentis présentateurs du journal télévisé. “Chabab, please!” (“Les jeunes, s’il vous plaît!”), crie Ahmed Ben Khayal, le rédacteur en chef, pour obtenir le silence. Une fille voilée et un garçon cravaté lancent leur “JT”, sans hésiter. Le volume, le débit, tout est professionnel et le modèle, Al-Jazira, la chaîne d’information qatarie, transparent.
La caméra se tourne vers l'”envoyé spécial” à Misrata, ville martyre assiégée par les forces du colonel Kadhafi. Il parle plus d’une minute, sans papier, sans accroc. Le “prof” montre ses yeux avec deux doigts pour dire “Regarde l’objectif !” A la fin, tout le monde applaudit. L’ambiance est gaie, concentrée, dynamique.